
Il ne fait pas bon être travailleur handicapé à la ville.
Qu’on en juge, les deux CAP de vendredi dernier (adjoints administratifs et secrétaires administratifs) qui avaient pour objet d’examiner dans la rubrique des fins de stage ou des prolongations : seulement des situations de travailleurs handicapés.
Pas moins de deux licenciements et une prolongation de stage ont été demandés et validés, plus deux demandes de révision de notes les concernant.
La Mairie de Paris ne s’embarrasse pas de préoccupations humanitaires, c’est le cadet de ses soucis, elle se « débarrasse » de ses agents jugés « inemployables ». Parfois, mais pas systématiquement, des « emplois déclassés » sont proposés dans des postes précaires, ajoutant ainsi de la précarité à des personnes jugées très vulnérables.
La Municipalité l’énonce elle-même, elle recrute des « compétences » pas des handicapés. En clair, cela signifie pour le handicapé : mêmes performances, même rendement que ses collègues valides, au mépris du handicap ; alors que la Municipalité pèche : aucune formation spécifique, pas assez de crédits pour aménager les postes. Quant à l’adaptation du poste au handicap, inutile de l’évoquer, il est inexistant.
La convention signée entre la ville et le Fond d’insertion des personnes handicapés de la fonction publique (FIPHFP), semble totalement perdue de vue, peu utilisée, et pourtant cet organisme est présent pour apporter des aides matérielles aux collectivités et contribuer à l’adaptation du poste aux besoins du fonctionnaire.
Les CAP ne jouent pas leur rôle d’un système paritaire, les décisions de la Ville passent en force, pratiquement toujours validées, sans que les organisations syndicales puissent faire entendre efficacement leurs voix. C’est « cause toujours », j’applique de toute manière les décisions de la Mairie.
La Mission handicap indépendamment du fait qu’elle manque de crédits, ne joue pas pleinement sa mission envers certains chefs de service qui, par ostracisme, continuent de rejeter les handicapés. En outre, la défense des agents dont elle a la charge reste parfois extrêmement faible, voire inexistante.
Le scénario d’exclusion reste toujours identique, c’est une caricature du syllogisme aristotélicien.
1) l’effort demandé à chaque agent doit être équitable et partagé par tous (y compris bien sur le handicapé devant disposer du rendement d’un valide) ;
2) la personne handicapée (les rapports disent simplement l’agent : on tait le handicap) ne doit pas devenir une charge pour le service (si ses collègues sont trop sollicités pour l’aider, le rendement sera moindre et les objectifs ne seront pas atteints) ;
3) s’il devient une gêne (ou un boulet), il est responsable du dysfonctionnement du service, c‘est la raison pour laquelle, on doit se séparer de lui.
Un tel raisonnement à l’emporte-pièce, évite :
-d’une part de s’interroger sur la vraie cause de ce dysfonctionnement. : le passage d’une administration au service des usagers, à une administration de rentabilité extrême, ou seuls les coûts sont pris en compte : rendement suppression de personnels, objectifs de plus en plus lourds sont les maîtres mots ;
-d’autre part sur les méthodes de management qui en découlent.
Le paradoxe, c’est que le beau discours de la Mairie de Paris sur la soi-disant insertion des handicapés, génère en fait de l’exclusion qu’elle est censée pourtant combattre.
Le coût humain de cette politique est désastreux, alors que le taux de chômage des personnes en situation de handicap correspond à plus du double de celui des « valides ».
Comment continuer en effet à donner du sens au travail lorsqu’on constate qu’une gestion implacable RH produit l’exclusion des personnes les plus vulnérables.
Au final, Il est nécessaire de se poser la question de la place du handicapé dans un tel système ? La logique impitoyable du moindre coût, entraînant des restructurations et des baisses d’effectifs ne laisse le choix aux plus fragiles que de s’adapter (s’ils le peuvent) ou d’aller rejoindre les rangs toujours plus nombreux de l’exclusion sociale.